- C9af el horriga Héla Lamine – ©Edia Lesage
- Kits de survie – © Edia Lesage
- Le Central vu de la place de Barcelone – ©Edia Lesage
- Station de tramways – © Edia Lesage
Ce 2 juin 2019, Héla Lamine a proposé une expérience inédite artistique organisée par le Central Tunis, «Blue Iftar». Retour sur cet événement!
Les mystères de la migration, au sens de rites réservés aux initiés, constituaient le cœur de l’évènement «Blue Iftar», un Iftar couleur de mer.
La logique cartésienne et le bon sens n’ont ici plus cour. Entrez et vous saurez ce qu’être migrant veut dire, perdu au cœur d’un monde étrange ou étranger, dont vous ne connaissez pas les codes, où quelques uns vous aident et beaucoup ne font que vous traiter.
Il y a des questionnaires sérieux à remplir, avec les informations identitaires habituelles et aussi celles qui font croire que vous serez bien accueilli («préférez vous le café ou le thé après le repas») et celles qui vous font douter de la raison de vos examinateurs («dans quel animal souhaiteriez vous être réincarné?») Il y a des déambulations en groupe vers des destinations non précisées, des tickets de contrôle scrupuleusement exigés, des attentes silencieuses et sans but dans des locaux étriqués… Il y a aussi un «kit de survie» contenant «14 objets indispensables pour survivre sur terre ou en mer, après avoir payé pour vivre une expérience incertaine». Ce kit, ouvert «sur ordre de l’équipage» permettait de rompre le jeûne en pleine rue, mais à l’heure licite, sans risquer de choquer.
Blue Iftar , rue Ali Ben Ghedahem – ©Edia Lesage
Après le repas, réservé aux détenteurs de tickets, pris à une place assignée dans un hangar réfectoire, le final de l’évènement s’est déroulé: l’immigrant devenu émigré quitte son bateau et découvre son nouveau monde qui ne l’attendait pas, il progresse péniblement dans les chemins de l’exil et finit symboliquement par laver son linge pendant qu’un fantôme récitant, en costume de ville, demande pardon d’être parti et mort à sa mère restée au pays.
Cet évènement commémorait le drame survenu une année auparavant, où un bateau chargé de 180 personnes, trois fois sa capacité, était parti de Kerkennah pour un autre monde, en plein Ramadan, et avait fini par couler dans la grande bleue suite à une défaillance du moteur. Seuls 86 harragas avaient été sauvés.
Photographie Khaoula Barnat
Il est vrai que partager l’angoisse des migrants ne peut véritablement être éprouvé dans une figuration du réel, mais il faut remercier Hela Lamine (pour laquelle «ch9af el Horriga» a commencé il y a une année), son équipe et «le Central» d’avoir installée cette mise en situation perturbante qui au moins nous permettait de questionner notre confort et nos certitudes…
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