Confiné, l’art se libère dans la ville – IDEO

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L’année 2020 aura été tristement célèbre dans notre histoire. Le mot «confinement» y est entré et décliné mondialement. La pandémie du COVID -19 a isolé les pays les uns des autres et restreint les échanges entre personnes. Certains pays sont encore confinés et le virus est toujours en circulation. Les formules «distanciation sociale» et «port du masque obligatoire» sont partout désormais et font partie de notre vocabulaire quotidien.

C’est sur les catégories sociales les moins favorisées que nos yeux se sont tournés: les so-called «invisibles», auxquels tous les réseaux sociaux rendaient hommage et les artistes qui brusquement reprenaient un rôle central , amené à divertir, fournir du contenu artistique de qualité et cela en cédant leurs droits .

En Tunisie comme ailleurs beaucoup de manifestations culturelles ont été annulées ou reportées telles que le festival de Carthage pour n’en citer qu’une. Gérer l’imprévisible est devenu la règle. Autrement dit, marcher à tâtons.

La galerie Selma Feriani à Sidi Bou Saïd a rouvert avec des visites groupées juste après le déconfinement pour programmer Essaïda- Carthage du céramiste Malek Gnaoui . Elle a continué pendant l’été à accueillir des visiteurs par petits groupes, offrant la visibilité aux jeunes artistes durant le mois d’août ainsi qu’à ceux qui ont quelque part jalonné l’histoire de la galerie .Elle positive : « Beaucoup de galeries sont fermées à l’étranger. Nous recevons un public intéressé et amateur, c’est énorme. Et puis, nous sommes actifs en ligne ». Selma Feriani Gallery participe à Art Basel’s 2020 avec les travaux deZiad Antar, M’barek Bouhchichi, Elena Damiani, Maha Malluh and Catalina Swinburn.

Untitled Group exhibition (c) Selma Feriani Gallery

Dans ce contexte morose, El Birou Art Gallery à Sousse avec à sa direction un couple dynamique et innovant, Karim Sghaïer et Selma Jelassi Sghaïer a maintenu la programmation de la troisième édition de la manifestation estivale «UV Sousse» malgré les contraintes budgétaires et le manque de moyens. Les galeries n’ont pas reçu d’aides financières.

UV3(c)ElBirou Gallery.

Auparavant, pendant le confinement, El Birou avait créé la surprise en organisant la première manifestation artistique en ligne joliment intitulée « fruits confinés », très suivie et à la programmation éclectique ce qui faisait sa richesse.

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« Hétérotopies » était l’intitulé de «UV3 ». « Hétérotopies »… Michel Foucault affirmait en 1967 dans « Des espaces autres », que l’époque actuelle est « davantage déterminée par l’espace que par le temps ». Plus précisément que  « nous concevons le monde comme un assemblage de réseaux, de relations. Ces systèmes de relations, qui participent à notre construction du monde, présentent certains problèmes : le stockage et les normes de circulation des informations en font partie ».

Ainsi, si nous vivons à l’intérieur d’un ensemble de relations qui définissent des emplacements irréductibles les uns aux autres et absolument non superposables,  ce ne sont pas des emplacements imaginaires. L’emplacement de l’ hétérotopie foucaldienne sera la ville de Sousse en investissant à dessein ses lieux historiques : Les murs du Nour Justinia ont servi l’intervention de Koom ; le lycée de garçons Bab Jedid, qui menace ruine , porte les fresques murales de plusieurs artistes : Najah Zarbout, Wicem El Abed et Héla Lamine, (tous les trois enseignants à l’ISBAS de Sousse ) Omar Bey, Mouna Jemal Siala . A Dar Jneyna derrière le Ribat, l’on pouvait voir les œuvres d’artistes photographes et vidéastes. Le cabinet de maître Ben Salem, occulté de noir, a accueilli l’artiste Wissem El Abed avec ses anges bleus. Le quartier Gabadji a été investi par l’architecte Adel Hidar . Dar Kmar a accueilli un talk avec les artistes. Dar Am Taïeb a pu être visitée. La galerie El Birou a présenté entre autres les travaux des étudiants de Héla Lamine qui est aussi enseignante à l’Institut des Beaux Arts de Sousse.

Les visites étaient échelonnées dans le temps et organisées par les étudiants qui sont chez eux à El Birou qui est aussi une bibliothèque et un lieu convivial. La ville de Sousse doit beaucoup à la galerie: les visiteurs viennent de Tunis et les soussiens eux-mêmes boudent la vieille ville. Si l’on devait retenir une chose c’est que le conseil municipal a réagi et décidé de ne pas démolir l’annexe du lycée de garçons lequel a vu passer la fine fleur de l’élite soussienne.

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Au Central, la galerie du 15 avenue de Carthage Emna Ben Yedder a fait peindre sur l’annexe, au 42 Rue Ben Ghedhahem une fresque de Lea Jaziri : « We won’t come back to normal because normal was the problem» . Pour celle qui a longuement travaillé dans le tissu associatif, le Central , « c’est le rêve d’un Art décloisonné, fun et ouvert, où l’expo devient expérience artistique » . Normal is still the problem.

Le Central, c’est aussi une hétérotopie. Une parenthèse dans un centre ville à la décadence photographiée et à la saleté omniprésente désormais. Une île entre la médina et le centre-ville. Un jardin persan dans un champ de ruines. Une destination. Dans l’épisode de la mini- série artistique initiée par Lyoum, LyoumxCentral Emna ben Yedder dit qu’être galeriste au Centre Ville c’est être aussi psychanaliste , modérateur, médiateur. Au mois d’août, la nuit du 7 août plus précisément de 20 heures à une heure du matin, c’est la « décentralisation balnéaire » pour ainsi dire. C’est la deuxième année de « fichta artistique les pieds dans l’eau » avec l’événement à l’intitulé évocateur : « Intuition : Seeing, Feeling Sensing, expérience artistique collective». Tout est dit dans le titre de la manifestation qui a lieu sur la plage et en tongs, kids friendly s’il vous plaît. C’est que par les temps qui courent il vaut mieux s’éviter et éviter les enfants. Chaque artiste a investi une paillotte sur la plage devant l’hôtel Nahrawess créant autant de petits mondes imaginaires. Wadi Mhiri a mis le feu à la plage hammamétoise tandis que Nao Maltese prenait photographies et vidéos.

En septembre et faute d’une communication efficace, le Festival des Arts Méditerranéens organisé par Samir Turki au mois de mars prend place quasiment incognito dans le village bien malmené de Sidi Bou Saïd . Autrefois refuge des poètes, écrivains et artistes venant y chercher la lumière, le village est défiguré par des constructions qui ne respectent pas les vis-à-vis ou tout simplement l’esprit du lieu . Les cafés sont bondés et pourtant hors de prix, les chaises en bois ont été remplacées par des chaises en plastique. On voit beaucoup de monde le week- end venir prendre le frais et manger le bambalouni mais peu vont dans les galeries. Quand à la mer …La mer est quasiment invisible, sauf au point de vue du bout de l’avenue principale, au dessus du port.

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C’est là que Wadi Mhiri et Mouna Jemal Siala ont peint les portraits de deux artistes. Jellel Ben Abdallah sur le mur de sa maison, jeune comme du temps de l’ « oubli ou la chute des corps » de Jean Duvignaud. Et puis, lui faisant face, celui en tissu d’un autre artiste tunisien, Azzeddine Alaïa. Plus de deux mille pièces en patchwork reliées entre elles par des boutons pressions, hommage à la dernière collection du grand couturier. La fondation Alaïa serait inspirée de l’acquérir et de l’installer dans la maison musée de ce dernier, un peu plus bas vers la gauche.

Avant l’oubli.

//Hétérotopies Visuelles : Les artistes: Koom, Sabine Massenat, Camille Pradon,
Mouna Jemal Siala, Amandine Lesage ,Najah Zarbout, Wissem El-Abed, Héla Lamine,Adel Hidar, Dhekrayet Ben Abdelkader, Nadia Zouari, Siryne Eloued, Sophia Bsiri, Ikram Ben Brahim, Taieb Ben Hadj Ahmed, Youssef Gharbi, BLKOT Team/Une sélection de jeunes artistes et chercheurs. Direction artistique : Wicem El Abed. Commissaire associée : Meriam Ben Amor.

//Le Central, les artistes : Mohamed Ghassan ,Soufia Bensaïd, Wadi Mhiri, Robert Sochacki , Wicem El Abed , Najah Zarbout.

//Selma Feriani Gallery les artistes: Malek Gnaoui , Ziad Antar, Ismaïl Bahri, Lina Ben Rejeb, Amel Bennys, M’barek Bouchichi, Nidhal Chamekh, Elena Damiani, Rafik El Kamel, Jellel Gasteli, Malek Gnaoui, Pascal Hachem, Farah Khelil, Nicene Kossentini, Maha Malluh, Eva Nielsen, Yazid Oulab, Massinissa Selmani and Catalina Swinburn.

À propos de l'auteur

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